Texte rédigé pour le catalogue de l’exposition présentée par Marine Bouilloud au terme d’une résidence de création au centre d’art 2Angles à l’automne 2011.
La peinture n’a toujours peint qu’elle-même et rien de plus.
Gerhard Richter
Cette exposition, Transitives n°4, constitue une étape importante dans le parcours de cette jeune artiste. Elle marque l’aboutissement d’une longue période de recherche sur la peinture comme médium unique pour investir un espace à travers le graphisme et la couleur.
Installation à part entière, elle se compose d’une série de panneaux sur médium, d’une pièce murale formée de six estampes sérigraphiées et encadrées sous verre, et de tableaux-objets aux tranches peintes dans la continuité des motifs visibles sur leur face. L’immersion dans un univers de formes abstraites inspirées de motifs présents dans l’architecture arabe ou andalouse, ou encore de fractales ; le plongeon dans un bain de couleurs ; l’interaction par le biais de jeux d’optiques stimulent l’oeil du spectateur. La vision oscille entre l’équilibre de la composition géométrique et le désordre engendré par la vibration d’un paysage d’images rémanentes.
Vermillons claquants, bleus électrisants s’entrechoquent et se répondent dans des contrastes simultanés, rythmés par des noirs profonds, perçus comme autant de plages de respiration, de temps de pause, dans un bouillonnement de tonalités chromatiques. Ce dispositif pictural, balisé par les titres qui accompagnent les œuvres (Vertigo, Moirage, Horizon, Abri) – encourage une expérience rétinienne saisissante, et procure des sensations physiques. Puissance de la couleur, force de la forme, précision de la ligne : Marine Bouilloud compose une partition graphique. Elle donne le tempo d’une musicalité plastique qui résonne comme une invitation à la déambulation dans l’infinitude de la peinture.
Au vu des différentes séries qui jalonnent son parcours, cette installation pourrait évoquer un tournant, une rupture dans une démarche privilégiant jusque-là un type de représentation à tendance narrative pour aborder des sujets en prise avec l’actualité. Si cette fois le langage de l’abstraction l’emporte, c’est pour mieux explorer, dans un travail méthodique, les possibilités formelles offertes par la peinture.
Il se dégage de sa démarche une unité dans la diversité. La prégnance des contrastes colorés, le recours à la citation, au collage, le choix de titres comme clés de lecture constituent la marque d’un style distinctif qui puise sa richesse dans un dialogue engagé avec l’histoire de l’art. De la relecture du genre de la vanité, à des pastiches d’œuvres du Moyen Age et de la Renaissance, en passant par l’influence d’une iconographie rock, son travail tente de lier la pertinence de la référence aux moyens mis en œuvre pour la questionner. Dans cette installation picturale, Marine Bouilloud convoque l’art optique et invite l’œil du spectateur à un voyage aux frontières d’un nouveau champ de vision, de perception et de sensations : entre vertige et stabilité.